Interview de Sabine Clauson Deneuve
**L’ASM Omnisports fait partie des pôles de formation sportifs les plus complets en France. Sabi…Interview de Sabine Clauson Deneuve
L’ASM Omnisports fait partie des pôles de formation sportifs les plus complets en France. Sabine Clauson Deneuve, personnalité importante de l’ASM Basket, transmet et partage sa passion depuis plus de trente ans, à plusieurs générations.
Bonjour Sabine merci de nous accueillir au centre d’entraînement. Dans un premier temps, nous voulions savoir comment vous est venue cette passion pour le Basket-ball ?
Ça a débuté très tôt, j’avais 7 ans, suite à un problème personnel je me suis retrouvée chez ma grand-mère en Normandie, qui ne savait pas comment m’occuper le mercredi. J’avais un instituteur à l’époque qui trouvait que j’avais quelques qualités ballon en main, donc je me suis mise à jouer au basket. La passion ne s’est jamais estompée et quand je suis retournée chez mes parents, j’ai joué à Vaulx-en-Velin, qui était le fief de Maurice Buffière, frère d’André Buffière qui était reconnu comme un des meilleurs entraineurs de France.
C’est là qu’a débuté votre parcours ?
Oui en effet mon apprentissage du basket s’est bâti dans le Lyonnais. J’ai été repérée et j’ai intégré l’équipe du Rhône; puis je suis arrivée à Clermont-Ferrand pour intégrer le pôle sport étude au Lycée Jeanne d’arc, car il n’y avait pas de sport étude à Lyon. Nous étions encadrés par des joueuses de très haut niveau comme Yannick Stephan ou Colette Passemard. J’ai fait mes armes au CUC et puis j’ai suivi mes amies à l’ASM, et j’y suis depuis 1984. Nous avons gagné quelques titres en junior, et puis je me suis gravement blessée, rupture des ligaments croisés. J’ai donc débuté ma carrière d’entraîneur, on m’a fait confiance. C’était un des rares clubs qui à l’époque faisait confiance à des femmes. J’ai d’abord commencé par les jeunes, ensuite des seniors, et puis j’ai pris du galon en entraînant des équipes qui jouaient en ligue féminine avec lesquelles j’ai obtenu de très bons résultats.
Par la suite le club a changé sa politique, en arrêtant le basket de haut niveau. Je me suis donc reconvertie en tant que professeur d’EPS, et j’ai décidé d’encadrer des jeunes. Le groupe que j’entraîne à l’heure actuelle (U17) je le suis depuis la catégorie »poussin ».
Il y a vraiment un processus d’encadrement sur le long terme…C’est cela aussi votre passion ?
C’est cela. Ma passion s’est de pouvoir partager, être avec des gens, leur apporter mes connaissances de les former, afin de les faire évoluer, c’est aussi la compétition c’est extrêmement motivant, c’est ce qui me fait avancer.
On ressent une réelle empathie lorsque vous en parlez, je ne pense pas que ce soit uniquement en rapport à ce groupe-là, c’est plus général ?
En effet, ça l’était vraiment avec tous les groupes que j’ai pu entrainer. Que ce soit des plus jeunes (U11) ou des seniors, en passant par les garçons que j’ai aussi entraîné en benjamin, cadet et seniors.
Comment se passe cette formation, cet encadrement que vous proposez aux joueurs(ses) ?
On essaye de produire un travail complet pour la formation du joueur, de leur proposer une formation globale afin qu’ils atteignent le plus haut niveau possible. C’est l’essence même du club, et à travers ça on essaye d’inculquer des valeurs importantes.
Quelles valeurs ?
Toute la sociabilité autour de la notion de groupe, il y a la compétition mais il y a surtout l’éducation du joueur, et cela doit primer. Le sport développe d’autres valeurs que celle de l’argent, du résultat. Accepter l’erreur, son échec et l’échec de l’autre, être capable de se surpasser, de s’entraider. Le respect est primordial, respecter l’arbitre, l’adversaire. J’ai toujours fait le parallèle avec le travail scolaire. Souvent les enfants qui se donnent les moyens et à qui on donne les moyens de réussir scolairement, réussissent sur le terrain, car ils appliquent une rigueur. Nous sommes très engagés sur le suivi scolaire des enfants.
Le basket féminin prend de plus en plus d’ampleur sur la scène nationale, à Clermont est-ce-que l’ASM est considérée comme un pôle important de formation ?
La seule joueuse qui sort du lot en équipe Rhône-Alpes Auvergne, elle est issue de la formation ASM. Le seul trophée qu’a gagné la ligue du Puy-De-Dôme, le trophée des étoiles a été gagné par des joueuses provenant de l’ASM pour la plupart. La seule problématique c’est qu’à partir de la section U14 on demande aux joueuses de rentrer au pôle et donc de changer de club. Et ici vous avez des filles qui ont refusé d’accéder au pôle, elles avaient le niveau mais le refus fait qu’elles jouent donc dans des championnats qui ne sont pas à la hauteur de leurs compétences.
Cela coupe-t-il leurs progressions ? Quels moyens sont mis à disposition pour l’encadrement ?
On demande tous les ans à la ligue et à la fédération de pouvoir obtenir un niveau de jeu conséquent, mais nous ne sommes pas décideurs, et à l’heure actuelle c’est Cournon qui possède ce privilège. Nous nous impliquons tout de même au maximum, avec des entraînements quotidiens, une structure sur place adéquate, un cabinet médical à disposition, ainsi qu’un restaurant sur place. Il y a également un gros travail sur la préparation physique et mentale afin de pratiquer le travail de renforcement, et un soutien scolaire en attendant l’heure de l’entraînement. Mais le plus, mis en place par l’Académie de Clermont-Ferrand et proposé par l’ASM Omnisports, c’est le lycée de tous les talents. Le club propose donc une alternative importante à celles qui ne souhaitent pas accéder au pôle Basket. Cela leur permet de rester dans la région et d’éviter l’évaporation des talents, ce qui est vraiment regrettable.
Grâce à la section multisports de l’ASM, dont je suis la présidente, nous avons mis en place notamment avec le rugby, tout un processus de formation idéal. Certaines des filles que j’entraîne en sont issues, et on continuera à leur proposer un cadre qui permette de les amener vers le plus haut niveau, si nous ne sommes pas pillés d’ici là *rire *.
Vous avez souvent à faire à des exodes de joueur(ses) ?
Oui pour intégrer le pôle, elle change de club, et nous n’avons pas notre mot à dire. Ou bien elles vont se tester sur des centres de formation, mais ça c’était avant la création du lycée de tous les talents. En 2018 j’ai six joueuses de l’effectif qui auraient pu prétendre intégrer ces pôles (Limoges, Chalons…) mais qui vont finalement rester là. Cela veut dire que les enfants restent dans le cadre familial, financièrement c’est un avantage non négligeable.
Les filles que vous entraînez ont déjà gagné des titres ?
Elles ont déjà gagné le championnat Auvergne/Rhône-Alpes U13 et U15, cette année elles sont surclassées en U17 avec un objectif de se qualifier pour les phases finales.
Vous sentez que le basket féminin rattrape son retard sur le basket masculin ?
En Auvergne la grosse problématique c’est qu’à partir des U14, U15 il y a un exode important de joueuses. Et à partir de ces catégories le niveau des championnats proposés est relativement faible comparé aux autres championnats en France. Sur la première phase de championnat, les filles en U17 gagnent de 50 points les matchs, il y a une réelle inégalité.
Concernant le basket masculin il y a plus de licenciés, une compétition plus ouverte, des rapports de force réduits. Mais l’aura du basket féminin se développe oui, grâce aux Jeux Olympiques à Londres, avec Céline Dumerc, qui ont aidé à promouvoir l’image du Basket féminin. La première femme entraineur de l’équipe de France, Valérie Garnier, c’est un joli symbole et ce n’était pas si vieux que cela. Je me rappelle lorsque j’entraînais en ligue féminine à l’époque, j’étais la seule femme entraineur.
D’où vient le fait que le basket Auvergnat féminin n’est pas aussi bien considéré que dans les autres régions ?
C’est le système actuel fédéral régional en Auvergne qui fait que pour jouer en Élite il faut être au pôle donc une seule équipe de dix-douze joueuses. Dans les autres régions il y a quatre équipes élites, avec douze joueuses au pôle. Cela laisse un pourcentage de joueuses de talent qui ne jouent pas au pôle et qui jouent en club.
C’est assez regrettable car les filles paraissent punies. Quand il y a un vivier important de joueuses et qu’on les empêche de progresser cela pénalise les enfants et les clubs. Alors je me bats contre les comités et la ligue ! Je fais tout pour sauver un maximum de joueuses qui le mériterait, même si elles n’ont pas fait le choix fédéral dans l’immédiat.
On parle beaucoup du statut de Grace que possède la NBA dans le monde du basket masculin, c’est similaire chez les filles ?
Bien sûr, à l’époque en Auvergne, il y avait Eva Nemcova, que j’ai entraînée à l’ASM qui a été élue dans le cinq majeur de la NBA. Et puis nous avons Lisa Berkani de Beaumont, qui vient d’être appelée. Ce sont des filles qui ont de très bons formateurs qui sont des femmes, je pense notamment à Sylvie Gerald à Beaumont.
Vous avez été entraineur professionnelle, et désormais vous entraînez un groupe que vous suivez depuis la tendre enfance, peut-on parler de suivi de cycle ?
Oui mon travail et ma vie de famille ne me permettait plus de m’impliquer autant donc j’ai fait un break pour ma fille petite. Je suis revenue pour prendre les plus jeunes, afin de comprendre ce qui était le plus adapté pour arriver au meilleur niveau, et comment aider les jeunes entraineurs à encadrer de la meilleure des manières. J’ai donc suivi des filles qui n’avaient joué au basket et puis l’osmose s’est créée. Nous avons adhéré réciproquement à notre manière de fonctionner, de s’adapter de travailler jusqu’à la catégorie U13/U14 où certaines s’en vont. Mais cela m’a permis de mettre en place une stratégie de formation avec les entraineurs de la section, afin d’analyser ce qui a péché, et comment faire pour améliorer notre méthode de travail.
L’affect joue beaucoup ?
Oui, il y a une réelle confiance qui s’est instaurée. Cela leur permet de progresser, et moi ça me permet aussi de progresser. Je les connais par cœur, leurs points forts, leurs points faibles… Le plus difficile avec ces catégories d’âges, c’est que mentalement ce sont des enfants assez fragiles, et le fait de les connaitre parfaitement cela me permet d’anticiper, de les préparer.
Les préparer afin d’aborder des phases finales par exemple ?
Oui notamment dans la gestion du stress devant des échéances importantes. Elles ont du mal à sortir la tête de l’eau lorsqu’elles sont en difficulté, due à l’âge et aussi car pendant quatre mois vous dominez de la tête et des épaules et que tout d’un coup vous tombez sur beaucoup plus forts, c’est à nous (elles et moi) de trouver les solutions pour se préparer au mieux. Nous travaillons avec une cellule de préparation mentale en interne afin d’améliorer tout cela.
Lorsqu’il y a autant d’implication, il n’y pas un petit pincement au cœur lorsqu’elles quittent le club en U13 ou U14 ?
Si elles s’en vont pour jouer à un meilleur niveau, cela ne me dérange pas bien au contraire, j’ai rempli la part de mon contrat. Si c’est pour aller jouer au même niveau dans le club d’à côté c’est regrettable, mais après trente-cinq ans de métier, on s’habitue*rire*. On donne beaucoup en emmagasinant leur joie, leur bonheur et c’est grâce à cela que ma passion peut perdurer. Le jour où je ne ressentirai plus cela, je m’arrêterai.
Votre plus beau souvenir en tant que joueuse ?
Mon premier titre en tant que joueuse au CUC est celui de championne de France Cadette avec un entraineur qui s’appelait Michel Bordelier.
Et d’entraîneur ?
Il y en a plein ! Ils sont tous à mettre sur le même pied d’égalité.
• Le premier est le titre de champion de France 1B en étant la seule équipe à n’avoir aucune étrangère. C’était une équipe de jeunes, et beaucoup de monde pensait que nous allions nous planter ! Et cette année-là, nous terminions champion de France avec une réelle communion avec les supporters.
• Le deuxième est cette qualification à Bordeaux pour une coupe d’Europe nous sommes à -1 alors qu’il reste 3 secondes à jouer, et nous avons une remise en jeu, personne y croyait et on marque ! On se qualifie en coupe d’Europe.
• Et en troisième, ce sont les titres avec les petites. On accède à la final de Championnat Auvergne/Rhône-Alpes et on gagne contre Roanne là-bas ! Et, de voir cette joie dans le visage des enfants, c’est extraordinaire ! Puis l’année d’après, la finale U15 avec les mêmes joueuses. En espérant que cela se répète !
A terme, quel serait le rayonnement souhaité pour les joueuses ?
En sénior accéder à un niveau de National 3 ou 2 en utilisant la puissance de la formation mise en place sans aller chercher des joueuses mercenaires, à ce moment-là l’objectif de l’ASM Omnisports section Basket sera réalisé. Que l’on reconnaisse le travail réalisé sur la formation à l’ASM, et que cela serve d’exemple afin de faire revivre le basket en Auvergne.
Crédit photo : ASM Omnisports